Affaire Cytotec® : pas seulement une question de dosage

Informations sur l'usage du cytotec® (misoprostol) en obstétrique et sur l'accouchement déclenché en général
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mamancyto
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Affaire Cytotec® : pas seulement une question de dosage

Message par mamancyto »

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Depuis l’annonce par le laboratoire Pfizer du retrait du Cytotec® du marché français à partir de mars 2018, l’affaire Cytotec® connaît une nouvelle vague de médiatisation et soulève diverses questions dans les domaines de la gynécologie et de l’obstétrique.

En tant qu’association de victimes du mésusage de ce médicament dans le déclenchement de l’accouchement, nous ne nous étendrons pas sur la question de l’IVG, qui a été traitée de façon très claire sur le blog « La coupe d’Hygie ».

En ce qui concerne l’accouchement, le retrait du Cytotec® est une bonne nouvelle dans la mesure où les rares maternités qui se permettaient encore de réaliser des déclenchements au Cytotec® ne vont plus pouvoir s’approvisionner.

Fallait-il pour autant en arriver là pour que les droits des patientes soient enfin respectés ?

Rappelons que le déclenchement d’accouchement sous Cytotec® est non seulement contraire à la Loi mais aussi (et surtout) extrêmement dangereux en raison des propriétés particulières de ce médicament.

1er « inconvénient » : Le médicament ne disposant pas d’Autorisation de Mise sur le Marché en obstétrique, son usage pour le déclenchement de l’accouchement est illégal. En regard de la Loi Bertrand du 29 décembre 2011, un médicament ne peut être utilisé en dehors de son AMM que s’il n’existe pas d’alternative. Or dans le déclenchement de l’accouchement, les alternatives existent, sous forme de gels ou de tampons à base de dinoprostone.

2ème « inconvénient » du Cytotec® : Il se présente sous la forme de comprimés dosés à 200 microgrammes de la molécule misoprostol. Or les obstétriciens qui l’utilisent pour déclencher l’accouchement considèrent (après maints tâtonnements) que la dose « acceptable » de misoprostol doit être de 25 microgrammes.

Les spécialistes qui s’expriment actuellement dans les médias ne semblent prendre en compte que ces deux aspects du problème Cytotec® et se réjouissent de l’arrivée prochaine sur le marché d’un nouveau médicament à base de misoprostol dosé à 25 microgrammes, dont la demande d’AMM est actuellement en cours auprès de l’agence européenne du médicament.

Il faut dire que ce nouveau médicament semble tomber à pic !
Avec une autorisation de mise sur le marché et un conditionnement à la « bonne dose », le problème Cytotec® serait-il enfin réglé ?

La question n’est pas si simple. Pour l’aborder, il faut avoir à l’esprit ce qu’implique l’administration d’un produit utérotonique (dont les propriétés sont de provoquer des contractions utérines).
Lorsqu’un de ces produits est administré (ocytocine pour le déclenchement proprement dit et dinoprostone pour la maturation du col), il provoque des contractions dont l’intensité et la fréquence sont imprévisibles : avec une même dose de produit, chaque femme présentera une réaction utérine différente. Pour certaines femmes, le produit aura peu d’effet et il faudra augmenter la dose pour obtenir des contractions. Pour d’autres femmes, le produit va provoquer des contractions trop fortes ou trop rapprochées. C’est dans ce cas de figure qu’ont lieu les complications connues du déclenchement : hypertonie utérine, mauvaise oxygénation du fœtus, rupture utérine, décollement placentaire, hémorragie… Et c’est la raison pour laquelle, lorsqu’on utilise un médicament utérotonique, il faut toujours avoir la possibilité de réduire les contractions en cas d’hyperactivité utérine.

Les médicaments classiques offrent cette possibilité : lors d’un déclenchement par perfusion d’ocytocine, l’arrêt de la perfusion permet au bout de quelques minutes de réguler les contractions. Le tampon à base de dinoprostone est prévu pour être retiré en cas de besoin afin d’obtenir la diminution de l’activité utérine.

Lorsqu’on donne du Cytotec® à une femme, que ce soit par voie orale ou vaginale, on n’a aucune possibilité de réguler les contractions, ceci en raison des propriétés particulières du misoprostol. Il est bien évident qu’une fois le comprimé avalé, on ne va pas pouvoir aller le chercher dans l’estomac de la femme. L’administration vaginale pourrait alors sembler une alternative, même s’il est difficile d’imaginer une technique de récupération des bouts de comprimés dans le vagin de la dame. En tout état de cause, même si une telle récupération était réalisée, elle ne servirait à rien car la molécule a une durée d’action beaucoup plus longue que ses concurrentes. Une fois le Cytotec® retiré, il faudrait attendre plusieurs heures pour que son action cesse, or dans la situation de l’hyperstimulation utérine, on ne dispose que d’une vingtaine de minutes pour réagir.

Déclencher un accouchement au misoprostol, c’est un peu comme conduire une voiture sans freins.
Qui accepterait de monter dans une voiture sans freins sous prétexte qu’elle coûte moins cher qu’une voiture avec des freins ?
C’est pourtant ce qu’on a imposé aux femmes pendant plus de 15 ans avec le Cytotec®.
Et ce qui se profile actuellement avec l’arrivée d’un nouveau médicament au misoprostol revient à autoriser les voitures sans freins sous prétexte qu’on a réduit leur vitesse.

La molécule misoprostol va peut-être obtenir l’AMM pour déclencher l’accouchement, avec une dose plus faible que l’actuel conditionnement, mais personne ne s’est penché sur le problème des freins. Quelle que soit la dose de misoprostol administrée, cette molécule ne permettra jamais de réguler les contractions en cas de besoin.
Or cette possibilité de maîtriser les effets du produit est une condition essentielle et non négociable du déclenchement de l’accouchement.

Accorder une autorisation à un nouveau médicament à base de misoprostol ne peut pas constituer une réponse acceptable au problème Cytotec®. Nous attendons du futur débat sur le misoprostol une prise en compte de cette question et la garantie que la sécurité des femmes ne sera jamais bradée.

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