La fausse fausse couche

Informations sur l'usage du cytotec® (misoprostol) en obstétrique et sur l'accouchement déclenché en général
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mamancyto
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La fausse fausse couche

Message par mamancyto »

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- 2007, M. est enceinte de 4 semaines. Elle consulte aux urgences de l’hôpital pour des saignements.
On lui fait une prise de sang dont les résultats sont rassurants : le taux de bêta HCG (hormone de grossesse) correspond bien à une grossesse de 4 semaines.
Un gynécologue fait une échographie et conclut à une fausse couche. Il donne le choix entre un curetage et du cytotec® pour évacuer l’embryon. M. choisit le cytotec®.
Ayant des doutes sur ce diagnostic de fausse couche, elle refait deux prises de sang espacées de 48 heures, qui montrent un taux d’hormones toujours en augmentation. Elle appelle alors l’hôpital : on lui dit que ça arrive, et qu’elle doit commencer son traitement au cytotec®.
Dix jours après la prise de cytotec®, M. fait une échographie de contrôle qui révèle qu’elle est toujours enceinte. Ses saignements n’étaient pas dus à une fausse couche mais à un hématome. Le problème, c’est que le cytotec® pris pendant la grossesse entraîne des risques de malformations pour le fœtus.
Son bébé décède in utéro à 26 semaines de grossesse. Nouvelle prescription de cytotec®, cette fois pour déclencher l’accouchement de son bébé mort.
M. a subi trois césariennes pour ses précédents enfants. Son utérus fragilisé ne supporte pas la dose massive de cytotec® utilisée : elle fait une rupture utérine.

- 1999, Carine, enceinte de 4 semaines, consulte pour des pertes de sang. Le gynécologue fait une échographie et annonce une fausse couche. Il n’envisage pas d’échographie de contrôle ni de prise de sang pour vérifier le dosage hormonal : il prescrit directement du cytotec® pour évacuer.
8 mois plus tard, Carine donne naissance à une petite fille atteinte d’une malformation nommée syndrome oto mandibulaire. L’enfant devra subir plusieurs opérations.

- 2015, Nathalie est enceinte de 4 semaines. Elle se rend à l’hôpital pour des saignements.
On lui fait une échographie qui ne décèle pas d’embryon et on lui prescrit du cytotec® pour « accélérer la fausse couche ».
Nathalie prend le cytotec® quatre jours plus tard et expulse des débris mais l’échographie de contrôle révèle la présence d’un embryon de 5 semaines mesurant 7 mm. Nathalie attendait-elle des jumeaux dont un aurait été expulsé ?
Le gynécologue de l’hôpital met l’erreur sur le compte de l’appareil d’échographie qui serait de mauvaise qualité. Nathalie vit la suite de la grossesse dans l’angoisse de malformations possibles pour son bébé survivant. Finalement, l’enfant naît en bonne santé.

- 2015, Magali consulte en début de grossesse pour saignements.
Le gynécologue fait une échographie et voit un « œuf clair ». Il donne rendez-vous une semaine après pour confirmer le diagnostic. Entre temps, Magali fait des analyses sanguines qui montrent que son taux de béta HCG continue d’augmenter.
Magali se rend au 2ème rendez-vous une semaine plus tard. Le gynécologue confirme le diagnostic de grossesse arrêtée et prescrit du cytotec®.
Une semaine après la prise de cytotec®, l’échographie de contrôle révèle une grossesse évolutive, avec un embryon dont le cœur bat normalement. Magali interroge alors son gynécologue sur les risques pour son bébé ; il lui dit que les seuls risques possibles sont liés aux contractions.
A 5 mois de grossesse, une échographie décèle une malformation cardiaque incurable : le fœtus n’est pas viable. Il faut interrompre la grossesse, ce qui signifie pour Magali une nouvelle prise de cytotec®.

A la lecture de ces témoignages, ma première réaction a été de penser que ces femmes n’ont vraiment pas eu de chance et que leur cas doit être rarissime. Une petite recherche sur Internet m’a vite persuadée du contraire.

http://forum.doctissimo.fr/grossesse-be ... 1089_1.htm
- Profil supprimé : 2012, 5SA (3 semaines de grossesse) + 2 jours, consulte son gynéco pour saignements ; il fait une écho, conclut à une grossesse arrêtée et prescrit du cytotec®.
Echo de contrôle 10 jours plus tard : grossesse évolutive.
- Réponse de Ionah : Vit actuellement la même histoire, très angoissée par les risques de malformation du fœtus.
- Réponse de Celoma : Même histoire à 6 SA. A l’écho de contrôle on découvre un embryon viable de 5 mm. L’écho des 12SA révèle une grossesse arrêtée pour de vrai. Nouvelle prise de cytotec®.
- Espoir d’avenir : Même histoire à 8 SA. Finalement, le bébé naît en bonne santé.
- Hibiscus 69 : Même histoire à 5 SA (3 semaines de grossesse). L’écho de contrôle révèle un embryon viable de 5 mm. « Le gygy me dit que c’est une erreur humaine et que son collègue s’était trompé entre les mesures de l’embryon et du sac embryonnaire.»
- Profil supprimé : Même histoire à 8 SA. L’écho de contrôle une semaine après la prise de cytotec® montre une grossesse évolutive mais date le terme à 7 SA.

http://forum.infobebes.com/Ma-grossesse ... 5921_1.htm
Moimeme1983 : Consulte aux urgences pour saignements à 4 SA (2 semaines de grossesse). On lui fait une écho puis une autre le lendemain et une autre 1 semaine après. La poche est estimée à 23 mm, l’échographie ne montre pas d’embryon.
Nouveau rendez-vous une semaine plus tard (6 SA+4). La poche est estimée à 26 mm. Diagnostic de grossesse arrêtée, prescription de cytotec® (2 boites).
Ayant des doutes, elle ne prend pas le cytotec® et refait une écho chez un échographe 2 jours plus tard : la grossesse est évolutive, datée de 6 SA + 5 jours. L’embryon mesure 7 mm.

Dans la plupart des cas, les bébés exposés au cytotec® pendant la grossesse sont finalement nés en bonne santé, mais les femmes ont vécu toute la grossesse dans une angoisse terrible. Pour certaines, le lien mère/bébé a été perturbé par la fausse nouvelle de perte de grossesse : une fois le choc encaissé, réinvestir une grossesse à laquelle on a cessé de croire ne va pas de soi.
Je ne peux m’empêcher de me demander comment de telles erreurs de diagnostic sont possibles. Comment des gynécologues ont-ils pu conclure à une grossesse arrêtés sans avoir de preuves solides ?

Le problème n’est pas limité à la France. Un journal suédois rapportait en 2013 25 cas semblables.

En réponse au témoignage d’une femme, Martin Winckler écrit sur son blog :
« Une échographie faite si tôt - à 6 semaines - ne peut pas déterminer si la grossesse est évolutive ou non »
Les publications existantes sur le sujet concordent d’ailleurs sur la nécessité de respecter un certain délai et de réaliser un second examen avant de pouvoir conclure à une grossesse arrêtée :
http://www.em-consulte.com/en/article/250684
« Compte-tenu des possibilités d’erreur de mesure, il est préférable d’attendre au moins une semaine avant d’envisager toute intervention lorsque de SG (sac gestationnel) mesure entre 15 et 20 mm sans image embryonnaire visible ou lorsque l’embryon mesure moins de 5mm et n’a pas d’activité cardiaque visible (dans cette situation, jusqu’à 30% de grossesse évolutives ultérieurement).»
Le problème du diagnostic de grossesse arrêtée à un stade précoce a été soulevé par 4 études européennes publiées dans la revue Ultrasound in Obstetrics and Gynecology en 2011. Les chercheurs dénoncent des directives très variables d’un pays à l’autre. Leur recherche, qui porte sur l’échographie en début de grossesse au moment où l’embryon mesure 5-6 mm de longueur, révèle que sur 1060 femmes dont la grossesse a été considérée « à viabilité incertaine », 44,6 % ont poursuivi une grossesse viable.
Lorsqu’on augmente un peu le délai d’attente avant de tirer une conclusion, il n’y a plus aucune grossesse diagnostiquée à tort comme non viable.

Le CNGOF a publié en 2014 des recommandations sur les pertes de grossesses qui définissent les « Critères nécessaires pour affirmer l’arrêt d’une grossesse » et différencient la « Grossesse Intra-Utérine (GIU) d’évolutivité incertaine » de la « Grossesse Intra-Utérine Arrêtée ».
En fonction des mesures de l’échographie, le CNGOF recommande un délai de 7 à 14 jours pour affirmer l’arrêt d’une grossesse.

Dans le cas de Magali, le gynécologue a bien attendu 7 jours avant de poser un diagnostic de grossesse arrêtée, mais compte-tenu du stade précoce de la grossesse et des données de l’échographie (pas d’embryon visible, sac gestationnel < 25mm) le délai avant de conclure à une grossesse arrêtée aurait dû être de 11 à 14 jours minimum.
Et effectivement, 14 jours après le 1er rendez-vous, l’embryon était bien visible à l’échographie et présentait une activité cardiaque.
Il aurait juste suffi d’un peu de patience pour éviter une prise de cytotec® inopportune et dangereuse.

En résumé, avant de prendre du cytotec® pour « grossesse arrêtée », la première règle à avoir à l’esprit serait : « Il est urgent d’attendre ».

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