
LE GRAND BÊTISIER DU MISOPROSTOL*
(ou Cytotec®)
Lorsqu’on lit une publication scientifique, on a tendance à penser que les informations diffusée sont fiables, surtout lorsqu’il s’agit d’essais cliniques réalisés selon une méthodologie bien précise : comparaison entre 2 médicaments, groupe de patients répartis au hasard pour recevoir l’un ou l’autre des médicaments comparés et analyse des résultats en terme d’efficacité, de sécurité, etc.
Mais que se passe-t-il lorsque les promoteurs de l’essai clinique en question ont intérêt à ce que les résultats de leur étude concordent avec leurs objectifs ? Par exemple, lorsqu’il s’agit de prouver que le Cytotec® (30 centimes d’euros) est, malgré son absence d’autorisation de mise sur le marché en obstétrique, un médicament supérieur aux autres (qui coûtent 100 fois plus chers) pour déclencher un accouchement ?
Et bien on est obligé de constater que certains résultats peu avantageux sont tout simplement mis de côté.
EPISODE 1 : Cachez ce décès que je ne saurais voir
Commençons par cette étude, datée de 1996 :
Wing, D, Paul RH. A comparison of differing dosing regimens of vaginally administered misoprostol for preinduction cervical ripening and labor induction. Am J Obstet Gynecol 1996;175:158-64.
Lors de l’essai clinique (qui comprend 522 femmes), une patiente décède d’embolie amniotique 9 heures après avoir reçu une seule dose de 25µg de Cytotec®.
Va-t-on être obligé de renoncer à ce médicament tellement prometteur sous prétexte qu’il y a quelques dégâts collatéraux ?
Que nenni ! Les auteurs de l’étude ont conclu que le décès de la dame ne pouvait pas avoir de lien avec le Cytotec® puisqu’il était survenu 9 heures après l’administration du médicament : « il semble peu probable que le misoprostol ait un rôle dans l’étiologie de cet évènement catastrophique car il avait été administré 9 heures auparavant ».
Moi bêtement, je me serais dit « Tiens, est-ce qu’on n’aurait pas un chouia sous-estimé la durée d’action de la molécule ? »,
Mais bon… moi je dis ça… je ne suis pas médecin...
Les promoteurs de cette étude, eux, ont conclu dans les revues médicales « Le misoprostol administré vaginalement est un agent efficace pour la maturation du col et le déclenchement de l’accouchement… des recherches plus poussées sont nécessaires pour déterminer la sécurité du misoprostol. »
Là, il faut être habitué à ce genre de publication pour lire entre les lignes :
- « c’est efficace ». Il faut comprendre : « ça fait sortir le bébé d’une façon ou d’une autre, on ne vous dit pas dans quel état, mais « ça » sort. »
- « Des recherches plus poussées sont nécessaires » = On ne va pas pouvoir prétendre que c’est sécuritaire vu qu’on a quand-même eu de gros pépins, mais on aimerait bien vérifier qu’en reproduisant le même protocole sur des dizaines de milliers de femmes on retrouve les mêmes risques, parce qu’après tout, le décès d’une dame sur les 522 participantes, si ça se trouve, c’est juste un malheureux hasard.
De toute façon, seul le résumé de l’étude paraît dans les revues médicales, et ce résumé ne fait aucune allusion à ce malheureux décès. Pas plus qu’il ne mentionne les deux hystérectomies (ablation de l’utérus) pour cause d’hémorragie massive du post-partum.

Une autre étude dans le même genre, qui date de 1999 :
Kolderup L, McLean L, et al. Misoprostol is more efficacious for labor induction than prostaglandin E2, but is it associated with more risk? Am J Obstet Gynecol 180 (1999):1543-50.
Là ils comparaient 50µg de Cytotec® toutes les 4 heures (avec un maximum de 300µg !!!) à 0,5mg de dinoprostone (Prepidil®).
81 femmes sont recrutées dans le groupe Cytotec® contre 78 dans le groupe Prepidil®.
« Sur les 16 extractions pour détresse fœtale dans le groupe misoprostol, seuls 5 (31%) se sont produits dans les 8 heures suivant l’administration du misoprostol et peuvent par conséquent être liées à l’utilisation du médicament »
Et hop ! Comment se débarrasser de 11 cas gênants ?
Enfin, ceci dit, si on recoupe les données des deux études, on pourrait commencer à se dire que, tiens, tout de même, cette molécule semble avoir des conséquences néfastes trèèèès longtemps après administration.
Ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que la demi-vie de la molécule est de 4 heures par voie vaginale. (demi-vie = temps nécessaire pour que le produit perde la moitié de son effet, donc au bout d’une demi-vie, il reste 50% du produit, au bout de 2 demi-vies, 25%, etc.)
Enfin, ce n’est pas le pire dans l’étude en question. Ils ont quand-même réussi l’exploit d’évaluer la tolérance au Cytotec® (tolérance maternelle et fœtale) sur des bébés déjà morts in utéro (3 déclenchements pour mort fœtale in utéro parmi les 159 patientes).
Il faut dire que les fœtus déjà morts supportent très bien le Cytotec®. Ce n’est pas comme les fœtus vivants : Il y en a un qui n’a pas résisté au traitement.
Mais là encore, aucune trace de ce décès dans le résumé de l’étude.

La pétition pour demander l’interdiction de l’utilisation détournée du cytotec dans les déclenchements d’accouchements est toujours en ligne sur le site de l'association Timéo et les Autres.
Retrouvez les autres épisodes du bêtisier :
- Episode 2 : Meuh non c’est pas dangereux !
- Episode 3 : Houston, on a un problème
- Episode 4 : Ça va plus vite … à la césa !
- Episode 5 : Petits tours de passe-passe
- Episode 6 : Chronique d’une hécatombe annoncée
- Episode 7 : Les yeux fermés (ou comment recruter des « volontaires » pour un essai clinique)
*misoprostol : molécule contenue dans le Cytotec®, un médicament destiné à traiter les ulcères gastriques et détourné de son usage pour déclencher des accouchements.
Crédits Illustrations : http://clipartof.com