Émission "les Maternelles" sur le déclenchement

Informations sur l'usage du cytotec® (misoprostol) en obstétrique et sur l'accouchement déclenché en général
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mamancyto
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Enregistré le : 24 octobre 2011, 21:47

Émission "les Maternelles" sur le déclenchement

Message par mamancyto »

Le 29 octobre dernier, l’émission des Maternelles (France 5) portait sur le déclenchement de l’accouchement. C’est donc avec un grand intérêt que j’ai regardé cette émission, espérant y entendre parler au moins des recommandations de la HAS (2008), des recommandations du CNGOF sur le dépassement de terme (2011) et de l’étude INSERM (2012) qui met en évidence le lien entre administration d’ocytocine pendant le travail et hémorragie de la délivrance.

Quelle n’a pas été ma déception ! Rien de tout cela n’a été évoqué. Il faut dire qu’il n’y avait pas de représentants d’usagers parmi les invités. Les deux mamans présentes pour témoigner n’avaient comme interlocuteur susceptible de leur apporter un éclairage qu’un obstétricien, porteur d’un discours qui n’engageait que lui (parfois en contradiction avec les recommandations officielles !), et le public n’avait aucun moyen de se faire une idée juste de l’accouchement déclenché.

Voici un petit compte-rendu accompagné de commentaires personnels :

- A propos de Nadège, son gynécologue voulait la déclencher 2 jours avant la date du terme pour éviter le risque de macrosomie. Or, la HAS ne reconnaît pas la suspicion de macrosomie comme un motif valable de déclenchement : « Les données actuelles ne permettent pas d’affirmer que le déclenchement artificiel du travail chez une femme non diabétique, avec suspicion de macrosomie fœtale, contribue à réduire la morbidité maternelle et néonatale. »


- Nadège voulait « attendre la date maximum, celle pour laquelle on ne peut pas aller au-delà.» et a été déclenchée à 41 SA + 4 jours.
Les recommandations de la HAS (qui datent de 2008) permettent d’attendre jusqu’à 41 SA + 6 jours : « En l’absence d’accouchement, à 41 SA + 6 jours, il est recommandé de réaliser un déclenchement, éventuellement précédé d’une maturation cervicale par prostaglandines ».
Il aurait été intéressant de citer aussi les toutes récentes recommandations du CNGOF (décembre 2011), qui vont encore au-delà, puisque le CNGOF conseille de proposer un déclenchement entre 41+0 SA et 42+6 SA et insiste sur l’importance du choix de la mère et de l’information qui doit lui être fournie.

- A la question « Peut-on demander un déclenchement pour pouvoir choisir le jour de son accouchement ? », le gynécologue répond : « C’est vrai, c’est ce qu’on appelle le déclenchement de complaisance ». La HAS permet effectivement ce déclenchement de convenance, mais dans des conditions bien particulières : un terme minimum de 39 SA et un col favorable.

- A la question « En cas de grossesse gémellaire le déclenchement est-il systématique ? », le gynécologue répond : « C’est vrai parce que la grossesse gémellaire évolue plus rapidement, les enfants sont matures plus tôt, et donc 38 semaines c’est le terme auquel on déclenche les jumeaux à l’heure actuelle puisque l’on estime que c’est le moment où il y a moins de risque pour les enfants à naître. ».
Voici ce que dit la HAS dans le cas des grossesses gémellaires : « Dans les grossesses gémellaires, la mortalité périnatale est augmentée après 39 SA (grade A). Bien que les données de la littérature ne permettent pas de conclure sur l’intérêt d’un déclenchement systématique en cas de grossesse gémellaire non compliquée, il est recommandé de ne pas dépasser 39 SA + 6 jours. » Entre 38 SA et 39 SA + 6 jours, il y a près de 2 semaines de différences ! 2 semaines pendant lesquelles les bébés peuvent continuer leur développement ( car on ne peut pas décemment accepter d’entendre que les jumeaux se développent plus vite.)

- A la question « Est-ce qu’une femme peut refuser (un déclenchement) ? », le gynécologue répond : « je pense que dans le cadre médical : non puisqu’on a suffisamment d’arguments pour la décider… de toutes façons, c’est le déclenchement ou la césarienne, c’est l’un ou l’autre, on n’a pas le choix dans des cas comme ça. »
Sauf que le code de la déontologie médicale prévoit que ce soit le patient qui prenne la décision d’accepter ou non un acte médical, après avoir reçu une information « claire et loyale » : «Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. " (art. 35) ; "Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être à rechercher dans tous les cas" (art. 36) »
Ce droit à choisir est d’autant plus important qu’un bon nombre de déclenchements sont réalisés pour des motifs médicaux non validés par la HAS, tels que : diabète bien équilibré, suspicion de macrosomie, hypertension isolée, sans signe de pré éclampsie etc., pratiques qui expliquent le taux élevé de déclenchements en France, et dont il n’a pas été question dans l’émission.

- A la question « Est-ce qu’un accouchement déclenché est forcément plus douloureux ? », le gynécologue reconnait que oui mais affirme : « On ne fait pas de déclenchement sans péridurale, non, c’est impossible. » De nombreux témoignages attestent du contraire (il suffit d'aller faire un tour sur le forum doctissimo. Lorsqu’on pose une péridurale, on ne peut pas garantir à la patiente que celle-ci fonctionnera à coup sûr. Ça aurait valu le coup de mentionner ces déclenchements sans péridurale (ou avec une péridurale qui ne fonctionne pas), qui sont effectivement de véritables séances de torture.

- L’accouchement « naturel » vu par le gynécologue : « Dans le cadre d’un accouchement le plus naturel possible, on ne met pas de synto, on ne rompt pas (la poche des eaux), et là, on saute sur son ballon. » Avez-vous déjà vu une femme en pré-travail sauter sur un ballon ???

- A la question : « Est-ce qu’on a plus de chance d’avoir une extraction instrumentale ? », le gynécologue n’explique le taux supérieur d’extractions instrumentales lié au déclenchement que par l’épuisement de la femme. Il serait intéressant toutefois de rechercher d’autres causes liées à la pratique du déclenchement. Forcer à naître un bébé alors qu’il n’est pas prêt et le corps de la mère non plus entraîne forcément des complications, en dehors de l’épuisement de la mère.

- Les risques liés au déclenchement n’ont pas non plus été évoqués (en dehors de l’augmentation des taux de césarienne et d’extractions instrumentales). Or un déclenchement peut aussi provoquer une souffrance fœtale (cause d’extractions en urgence) qui peut conduire au handicap du bébé ou à son décès. Il y a aussi un risque de rupture utérine, d’hémorragie du post-partum (mis en évidence par une récente étude de l’Inserm) , d’embolie amniotique (risque multiplié par 2 en cas de déclenchement)… Est-ce que les femmes n’ont pas le droit d’être informées de ces risques ????

- Enfin, je me permettrai de contredire Nathalie qui, à propos de la rubrique « Les livres », conseille : « plutôt que d’aller sur internet… allez sur des livres bien précis écrits par des gynécos obstétriciens. »
Et bien si, allez sur Internet, consulter les recommandations de la HAS, le forum Doctissimo (fréquenté par des femmes très documentées dont certaines sont impliquées dans les associations), les sites des associations telles que l’AFAR, le CIANE, et permettez-vous de prendre vous-même les décisions concernant la naissance de votre enfant.

Chez Timéo et les autres, nous pensons que les femmes ont le droit d’avoir accès aux informations, y compris celles jugées « anxiogènes », et d’être actrices de leur accouchement.

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