Déclenchée au cytotec à mon insu

Ce forum est destiné à recueillir vos témoignages sur l'utilisation ou la non utilisation du cytotec® (misoprostol) dans les déclenchements d'accouchements.
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agba
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Déclenchée au cytotec à mon insu

Message par agba »

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Bonjour et merci pour ce forum! La raison de mon témoignage est qu'il apparaît avec une quasi-certitude que ma fille et moi avons été victimes, en 1987 déjà, d’un déclenchement au Cytotec. Cela s’est passé en Suisse, dans un établissement bernois. J’y avais déjà accouché deux fois. En 1984, on me donna des comprimés oraux de prostaglandine (dinoprostone vraisemblablement) pour terme soi-disant dépassé, car on l'estimait grossièrement à l’époque. Naissance rapide mais très violente : ma fille naquit cinq heures après la prise des comprimés. Pour le deuxième accouchement en 1985, je changeai de gynécologue. Le premier était âgé et patriarcal, sur recommandation d’une amie j’ai donc opté pour une cheffe de clinique dans la trentaine. Cet accouchement aussi fut plus ou moins déclenché, peu après terme, par un test au Syntocinon, car " c’est mieux de voir si l’enfant supporte bien les contractions… ».
La troisième fois, le terme était pour le 12 juillet 1987 et en juin, je demandai à ma gynécologue la date de ses vacances. « Bientôt, mais vous accoucherez avant ! ». Rassurée, j’en conclus qu’elle partait en août et dans ma naïveté, je lui exprimai même mon soulagement et ma confiance en elle tout en soulignant mon désir d’un déroulement naturel. Prochain contrôle fixé au 3 juillet. La veille, la gynéco me téléphona pour me préciser de prendre mes affaires d’hôpital en me rendant au contrôle. Je demandai pourquoi, elle répondit « on ne sait jamais ». Inquiète, j’en parlai à mon mari, médecin généraliste, qui haussa les épaules en disant qu’elle pensait sûrement qu’un troisième enfant pouvait arriver très vite. Prise de court, je demandai à ma belle-sœur de m’accompagner le lendemain pour, le cas échéant, ramener la voiture. La gynéco me demanda comment s’était passé le premier accouchement et commenta la prise orale de dinoprostone par « Bien sûr, par la bouche, quand c’est dedans, c’est dedans ». Ignorant totalement la possibilité d’une application vaginale et convaincue que la seule alternative était la perfusion d’ocytocine, je ne dis rien. Lors du contrôle, je sentis comme une manœuvre d’insertion au niveau du col et je me posai même la question d’un décollement des membranes, mais comme ce n’était pas douloureux, j’en conclus que c’était peut-être un geste diagnostique et je demandai comment était le col. « Mmmh, bientôt… ». Après quoi, elle me proposa de « rester un peu à l’hôpital, voir si quelque chose se passe ». Là, je voulus des explications : j’avais toujours accouché après terme, je n’avais aucune contraction, qu’est-ce qui se passait ? Comme seule réponse, elle me demanda combien de temps il me fallait depuis la maison jusqu’à l’hôpital. 30 minutes. « Bon, rentrez, mais n’hésitez pas à revenir si vous avez de petites douleurs, comme lors des règles ». Ne comprenant rien, mais désécurisée, l’instinct me poussant à rejoindre ma tanière, je décidai de rentrer. Comme je me repens de ne pas être allée chez les sages-femmes, expliquer la situation. C’était un hôpital universitaire et elles avaient une certaine autonomie.
Dans la voiture, mon ventre durcit et je crus à de petites contractions dues au contrôle. Mais il durcissait toujours plus, était comme du bois. La douleur vint, je ne pouvais plus respirer. Je demandai à ma belle-sœur de prendre le volant, de sortir à la prochaine sortie et reprendre l’autoroute direction hôpital, où j’arrivai trois quarts d’heure après l’avoir quitté, pendant que ma belle-sœur parquait la voiture. La sage-femme à l’accueil, face à ma détresse, demanda si c’était mon premier enfant. Elle mit le stéthoscope, son visage changea et j’entendis « Madame, je n’entends plus le cœur de votre enfant ». Avant d’avoir pu réaliser ces paroles, j’étais en décubitus latéral gauche, sous oxygène, agitation, blouses blanches, sondes et perfusions partout. Réanimation intrautérine, tocolyse i/v au Partusisten ( fénétérol ). A un moment donné, le cœur repartit. Sur le rapport, on lit « bradycardie par moments en-dessous de 60 bpm ». Ma fille est née deux heures plus tard, ventilée au masque, Apgar 6/7/9, pH au cordon artériel 7,25, veineux 7,34. Je pense que ces valeurs relativement bonnes sont dues à la ventilation au masque, mais les valeurs du pH durant l’accouchement ne sont pas mentionnées, la couleur du liquide amniotique non plus. Ma fille fut emmenée en néonatologie pour deux jours, mais j’ai pu l’allaiter. Elle était orange foncé à cause de l’ictère dû aux médicaments administrés. Pendant qu’on m’emmenait, j’ai demandé d’avertir la famille, mais on ne l’a fait que juste avant la naissance. Mon mari n’a donc pas eu le temps d’arriver et m’en a voulu de lui avoir fait « louper » la naissance faute d'avoir suffisamment réclamé sa présence, ma belle-sœur était aussi fâchée d’avoir perdu son temps, sans nouvelles, à la salle d’attente. Je ne sais toujours pas ce que le personnel ou la gynéco lui a fait sous-entendre, mais il m’a reproché une inquiétude excessive face à l’accouchement, ce qui aurait été la cause des contractions anarchiques. J’ai donc culpabilisé, d’autant plus que pendant mon séjour, tout le monde semblait m’éviter au maximum, c’était comme une omerta. La gynéco n’est venue que trois jours plus tard et elle a blêmi lorsque je lui ai demandé si elle partait en vacances le 10 juillet, car je l’ai vu sur le planning affiché à la salle des nouveaux-nés. Deux jours plus tard, elle est revenue en coup de vent annoncer que le grand chef passerait dans ma chambre. En effet, il est venu avec son cortège d’assistants demander comment j’allais. Perturbée, sous le choc, ne sachant que penser, j’ai dit que j’allais bien et que je n’avais pas de questions. Etonnée quand même de l’entendre répondre « au revoir, Madame « et de le voir tourner les talons, et sa dizaine d’assistants aussi, comme un seul homme…
C’est peu à peu que j’ai commencé à comprendre ce qu’on m’a caché. Lors de ma dernière grossesse en 1989, j’ai décidé d’accoucher à la maison, après la rencontre providentielle d’une sage-femme et d’un gynécologue qui ont respecté ma décision. C’était au départ un choix par défaut, qui s’est avéré être un événement merveilleux et mystique, une réconciliation avec le corps et la vie. Sans se prononcer explicitement sur ce que j’ai vécu, la sage-femme m’a permis, par des considérations générales, de trouver un début de piste. Quelque temps après, rendant visite à une amie à l’hôpital bernois, j’ai rencontré au détour d’un couloir la sage-femme cheffe et je lui ai fait part de mes doutes – à cette époque j’avais déjà trouvé un article sur le déclenchement par analogues de prostaglandine par voie vaginale et ses contre-indications en cas de mastocytose notamment, maladie rare dont je souffre sous la forme d’urticaire pigmentaire et que j’avais scrupuleusement signalée à la gynéco. A ma surprise, elle répondit que la gynécologue, Mme L. avait été licenciée et elle ajouta même « si vous saviez tout ce qu’elle nous a fait ». L’idée ne m’est pas venue à l’époque de porter plainte. Aujourd’hui, ce serait différent. Mon mari a refoulé cette affaire, préférant considérer qu’il ne s’est rien passé. L’entourage se montrait aussi gêné, me conseillant au mieux d’oublier, puisque l’enfant va bien. Pendant deux décennies, j’ai vécu avec cela, la culpabilité de ne pas avoir « su accoucher » se transformant en culpabilité d’avoir trop fait confiance, de ne pas avoir assez insisté, assez questionné, de ne pas m’être adressée à une sage-femme. Bref, de ne pas avoir su protéger mon enfant qui, après une grossesse parfaite, étant en pleine forme, serait né mort ou gravement handicapé si j’avais roulé une sortie d’autoroute plus loin. De ne pas lui avoir offert une naissance sereine. Il y a aussi ce sentiment amer d’avoir été trahie par la gynéco à qui je faisais confiance pour nous protéger et de ne pas avoir eu le soutien des proches. Le pire, c’est que ce sentiment s’aggrave avec le temps. Ma fille est vive et a beaucoup d’amis, mais a toujours eu une peur irraisonnée de l’eau, les cours de natation avec l’école lui étaient un cauchemar. Elle n’a jamais supporté les courses en montagne, souffrait dès l’approche des 2000 m de maux de tête, nausées, vomissements, symptômes mis sur le compte de « migraines d’effort ». Il y a trois-quatre ans, elle a présenté des vertiges, de la dyspnée et des troubles neurologiques. A part une légère insuffisance mitrale, les médecins n’ont rien trouvé. Cet épisode a tout ravivé car j’ai découvert des liens possibles entre l’hypoxie périnatale et des pathologies cardiovasculaires dans la vie adulte, une tendance à l’hypertension pulmonaire en particulier. Le besoin est revenu de comprendre et d'éclaircir toutes les zones d'ombre. C'est ainsi qu'en poursuivant mes recherches j’ai acquis la conviction qu’on m’a bien mis du Cytotec, car longtemps j’ai pensé qu’il s’agissait de dinoprostone.
Veuillez m'excuser pour la longueur de ce témoignage, peut-être permettra-t-il à d’autres femmes de faire la lumière sur des événements analogues ou bien servira d’avertissement, car un petit comprimé peut avoir des effets à très, très long terme.
Et c'est avec intérêt et effarement que j'ai lu le témoignage de Guineapigmom, qui habite, je crois bien, la même ville que moi... Je connais bien la maternité dont elle parle. Heureusement, depuis quelques années il y a aussi dans notre ville une maison de naissance, de plus en plus fréquentée !

Crédits Illustrations : http://clipartof.com

mamancyto
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Re: Déclenchée au cytotec à mon insu

Message par mamancyto »

Merci infiniment, Agba, pour ce précieux témoignage.

Le cytotec a été commercialisé en France et en Suisse en 1985-1986. Et on sait qu'il a aussitôt été détourné de son usage pour les avortements puis les déclenchements sur bébé vivant.
Ton récit ne laisse aucun doute sur les intentions de la gynéco (te faire accoucher avant son départ en vacances), et l'effet que tu décris est vraiment caractéristique du cytotec : démarrage hyper violent, baisse du rythme cardiaque dû aux contractions trop fortes/trop rapprochées.

Je pense vraiment que tu as été une des premières victimes de l'administration de cytotec en cachette.
Cette pratique m'a été rapportée par plusieurs sages femmes. On en trouve une trace sur l'excellent site infosaccouchement.
De sources différentes (de sages femmes travaillant dans différentes maternités), il semblerait qu’une pratique ignoble et dangereuse existe dans certaines maternités ou dans certains cabinets d’obstétriciens :
A la visite du 9ème mois, il est pratiqué un toucher vaginal.
Lors de ce toucher, il est fait un décollement de membranes (sans informations ni demande de consentement la plupart du temps), et déposé dans le col un demi ou un cachet de cytotec (sans information ni demande de consentement bien évidemment … parfois c’est fait alors que la femme a expressément refusé le déclenchement artificiel).
Effet souvent garanti : la femme revient avec des contractions effarantes de violences, rapidement à la maternité. Rien n’est noté dans le dossier médical bien évidemment … si il y a des problèmes, on ne peut donc remonter à leur source réelle.
Il y a aussi un témoignage d'une autre victime sur doctissimo:

La femme a pu savoir que son gynéco lui avait mis un comprimé de cytotec dans le vagin, car, étant prise de contractions très peu de temps après, elle s'est rendue chez un autre médecin qui l'a examinée ... et trouvé le comprimé. Il l'a retiré mais en vain : la femme a eu un accouchement très violent le jour même.

Ce qui est terrible avec ces histoires, c'est qu'il n'y a aucune preuve : rien n'est noté dans le dossier médical bien sûr !

Si seulement les sages femmes témoins de ces pratiques voulaient bien témoigner !!!

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